Un acte et des errances administratives

En lisant l’acte de naissance de ma grand-mère Maria Silberstein récupéré sur le site des Archives de Paris en novembre 2023, j’ai réalisé que la mention erronée de son lieu de décès à Drancy n’avait pas été rectifiée contrairement à ce que j'imaginais. 
Je possédais cet acte sous forme papier depuis des années dans mes archives mais je n’y avais jamais prêté attention jusqu’à cette relecture. 
J’aurais pu me dire que somme toute ce n’était pas bien grave puisque son acte de décès était correct depuis sa modification par un décret de février 1992 stipulant bien sa mort à Auschwitz et non à Drancy avec apposition de la mention « Mort en déportation ». 
Mais compte-tenu de la montée de l’antisémitisme et du négationnisme, il m’est apparu essentiel que cette mention et le lieu réel de sa mort soient aussi inscrits en marge de son acte de naissance. 

J’ignorais qu’en demandant cette rectification d’acte, j’allais m’engager sur un véritable chemin de croix. 

En mai 2024, j’adressais un courrier à la section civile du tribunal judiciaire de Paris avec tous les justificatifs demandés. La réponse du Procureur de la République après plus de 6 mois d’attente a été de m’orienter vers le Tribunal de Bobigny pour faire annuler l’acte de décès. Réponse tout à fait incompréhensible puisque que l’acte de décès était correct et que tous les éléments justificatifs en sa possession le prouvaient. M’ayant renvoyé tout le dossier avec sa réponse, j’ai renouvelé ma demande. 
Et après un nouveau délai de plus de 6 mois et maints échanges téléphoniques avec la greffière en charge de la transmission du dossier, j’ai appris que finalement le traitement de ma demande ne relevait pas de la compétence du Parquet de Paris mais de celle des archives de Paris qui détenait l’acte. 

Et bien quel scoop ! Tant de mois d’attente pour une telle réponse c’est prodigieux ! 

Entre-temps, devant la complexité des justificatifs exigés, j'avais abandonné l'idée de faire ajouter la mention de son divorce absente de l'acte, ce qui n'est pas un moindre détail, pour prioriser la demande relative à sa déportation.

Je suis donc repartie, car je ne me décourage jamais, vers de nouvelles errances administratives, multipliant courriers et appels téléphoniques auprès de différentes instances avant de découvrir le service adéquat qui aurait bien aimer se défiler aussi en me renvoyant ailleurs. Mais finalement la responsable de collecte et de classement aux archives de Paris a pris en charge le dossier pour tenter de le mener à son aboutissement… 

En septembre 2025, je reçois donc un mail avec l’acte modifié et en soupire presque de soulagement. Un soulagement qui ne fut que de très courte durée car en lisant l’acte, je réalise que si le lieu de décès a bien été modifié, le motif de la « Mort en déportation » n’a pas été reporté. Il était donc si compliqué de recopier l’ensemble des mentions d’un acte à l’autre... 

Acte de naissance cède Maria 

Aussitôt, je reprends la plume ou plutôt mon clavier d’ordinateur pour signaler ce manque. Et la réponse que je reçois me surprend car elle indique que reporter la mention « Mort en déportation » sur l’acte de naissance n’est pas obligatoire et que le fait d’être mort à Auschwitz induit forcément la déportation. Alors là, mon sang ne fait qu’un tour car comment peut-on imaginer induire quelque chose de ce qui n’est pas spécifié. 
Auschwitz est une ville dans laquelle on peut mourir sans avoir été déporté. De même que mourir à Drancy n'induit nullement que l'on est passé par le camp d'internement!
Ce manque de sérieux me désole et je repense à la formule de Lion Feuchtwanger dans son livre Le diable en France écrit en 1941 après son internement au camp des Milles dans lequel il parle du « J’m’ en foutisme de l’administration  française ». Les temps auraient donc si peu changé... 

Après une recherche sur internet, je trouve la circulaire du journal officiel du 6 avril 2012 qui présente les tableaux récapitulatifs des formules de mentions apposées en marge des actes d’état civil ! Et sur l’un des tableaux la mention « Mort en déportation » figure bien dans la liste des formules à apposer en marge des actes de naissance. J’adresse à nouveau le fruit de MON TRAVAIL aux archives en espérant une réponse favorable dans les prochains mois !

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