Les lieux où j'ai vécu
Jusqu'à l'âge de trente ans et, plus précisément entre mes 20 et 30 ans, j'ai déménagé un nombre incalculable de fois.
Dans les multiples lieux où j'ai vécu, plus ou moins longtemps, certains restent fortement ancrés dans ma mémoire.
Parmi eux, bien sûr, les deux appartements assez exigus partagés jusqu'à l'âge adulte avec mes parents et ma sœur. Situés au cœur de Paris, le premier dans le quartier des Halles, rue Saint Honoré puis, à partir de l'âge de 9 ans, non loin de la place de la République, rue René Boulanger. Ces quartiers étaient alors très populaires et l'animation y était vive.
Je garde l'image d'immeubles décrépis, de logements dotés d'un confort sommaire et d'un horizon barré par la vue sur des cours sombres et étroites. Cependant, ils demeurent empreints de mes souvenirs d'enfance dans un cocon familial qui me paraissait pesant à l'époque mais dont le manque aujourd'hui reste teinté de nostalgie.
Je me souviens avoir quitté à l'âge de neuf ans
le quartier populaire des Halles
pour celui tout aussi populaire
de la Porte Saint-Martin/République.
Notre quotidien fut nettement amélioré
dans le nouvel appartement
avec salle d'eau
que nous occupions désormais.
Les pièces étaient disposées en enfilade
et chaque fenêtre donnait sur une cour bien animée.
La deuxième habitation a eu de plus la particularité d'accueillir l'atelier de couture de mes parents, une pièce maitresse qui séparait la chambre de la salle à manger. Un lieu de vie, de travail et de passage qui forgea le théâtre de mon imaginaire.
La toile est usée
Sur la table de presse
Le fer est passé
tant de fois
Sur les tissus froissés
Chaleur diffuse
Odeur de brume
Atmosphère
Je ne m'étendrais pas sur les chambres de bonne au confort sommaire de ma période étudiante, ni sur les divers appartements et colocations partagés avec mon compagnon, dans le 10ème et 19ème arrondissement de Paris notamment. Ils m'auront fait voyager dans Paris puis plus tard en banlieue, un univers au-delà du périphérique que je découvris pour la première fois à l'âge de 25 ans et qui me déconcerta.
Le dépaysement complet que me procura la banlieue fut bientôt surpassé par un autre changement de vie, le déménagement à Cayenne en Guyane pour un travail qui m'occupa près de deux ans. Le créole avait supplanté le yiddish de mon enfance et changer de continent devait m’ouvrir de nouveaux et vastes horizons.
Le studio, fourni dans un premier temps par mon employeur, était situé non loin de la place des Palmiste, avenue du Général de Gaulle à cinq minutes à pied de mon lieu de travail, rue Justin Catayée. Cette proximité n'autorisait de ce fait aucun retard. J'y installais les affaires contenues dans la malle bleue qui suivait tous mes déménagements et que je récupérais peu après mon arrivée dans le port de Dégrad des Cannes.
De ce logement étriqué, je garde le souvenir d'une première rencontre avec un gros cafard appelé là-bas, ravet trouvé sous l'évier ; il m'avait grandement effrayé avant que je ne m'habitue aux surdimensionnements de la faune et la flore de la région !
Me sentant vite à l'étroit dans cette pièce unique, je partis à la recherche d'une maison, la première d'une longue série !
« Mes maisons guyanaises » étaient ouvertes sur l'extérieur aussi bien par leur construction que par les rencontres et amitiés nouvelles qui s'y nouaient.
Celle où je vécu le plus longtemps, si l'on peut dire, était situé à Rémire Montjoly. Cité Castor, au premier étage d'une villa dont le rez-de-chaussée était occupé par une crèche « Les petits pinsons » aux murs joliment décorés. Je rejoignais « mes appartements » par un escalier extérieur. Les nuits de chaleur moite étaient difficiles en l'absence de climatisation et en raison des claustras ouverts sur un dehors bruyant. Les pièces, très peu meublées, étaient séparées par des panneaux de bois donnant à l'ensemble un aspect assez harmonieux. La vaste salle à manger-salon permettait de recevoir les amis, souvent venus de métropole, curieux de découvrir un département réputé assez peu accueillant, sauvage, voire dangereux, ce qu'il devint en effet quelques années plus tard.
Cité Castor
Une maison
À travers
Les claustras de bois
La nuit se déchire
Entre meutes aux abois
Et coqs en combat
Le retour en région parisienne un jour de janvier fut déroutant, j'étais frigorifiée !
Je retrouvais un logement au quatrième étage d'un immeuble situé à Saint-Maur-des-Fossés non loin du
domicile de mes parents. Bordée d'aulnes et de saules, le Marne voisine contrastait de façon saisissante
avec la mangrove de l'Approuague aux eaux boueuses. Elle apportait aussi un certain apaisement et un
charme désuet que j'apprécie toujours aujourd'hui.
Désireuse d'agrandir mon espace, je recherchais une maison et trouvais à Joinville-le-Pont celle où je vis
maintenant depuis bientôt quarante ans !
Cette maison, devenue mon havre de paix, s'est agrandie progressivement après la naissance de mes
enfants. Il est par ailleurs remarquable qu'elle porte sur sa façade une plaque en hommage au résistant qui
y naquit, Lionel Dubray (que j'ai évoqué dans un précédent article) ; ce choix résonne avec le sujet de mes
recherches historiques liées au deuxième conflit mondial.
Agrémentée d'un jardin intimiste, elle m'apporte l'ouverture vers une forme de sérénité à laquelle j'ai
longtemps aspiré.
Bien que les enfants aient quitté le nid depuis un moment, elle reste la maison familiale dont j'ai toujours
rêvé, un ancrage bienvenu après mes errances de jeunesse ; une errance dont je ne peux m'empêcher de
penser qu'elle provienne de l'errance familiale et des racines brisées....
Sur le pont de Joinville
Les phares en vrac
S’entrelacent
La pluie bat le tempo
Des jours black
La Marne arrimée
Au ponton de l’oubli
A laissé le temps
Blême
S’écouler dans la nuit
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