Linz, un voyage sur les traces de mes parents


En avril dernier, je suis partie à la recherche de mes parents qui ont laissé une partie de leur vie à Linz. 

J'ai en effet découvert depuis peu, que ce lieu a été non seulement celui du « refuge » de ma mère après-guerre dans les DP camps (camps pour personnes déplacées) mais qu'il fut également le lieu d'internement au STO de mon père pendant la guerre.

Cette ville, capitale du Land de la Haute Autriche, située non loin de Vienne, riche de contrastes, entremêle les images du passé avec des espaces d'une grande modernité.

Voyager en train de nuit de Paris à Linz a été une agréable et idéale transition pour passer d'un univers à un autre sans perdre de temps tout en prenant son temps ! 

Arrivée le matin à destination, j'ai marché tranquillement jusqu'à la place principale, la Hauptplatz proche du Danube, pour déposer mes bagages à l'hôtel et savourer un café viennois très attendu.


                                                                                                          Hauptplatz, Linz

Dans ma valise étaient rassemblés de précieux documents : un classeur de photos familiales, des papiers d'identité avec enveloppes et courriers de l'époque. Un ensemble hérité de ma mère qui avait pressenti en moi un relai pour transmettre son histoire, tâche à laquelle je me suis attelée du mieux possible en y consacrant une grande partie de ma vie.

Mon but était de déposer aux archives de la ville les copies des photos qui représentaient plusieurs membres de la famille dans trois camps successifs entre 1947 et fin 1951 après leur départ de Pologne et d'espérer en apprendre davantage sur le camp Shantenfeld où mon père fut travailleur forcé de mars 1944 à janvier 1945. 

Mon interlocuteur Walter Mittermayr (voir mon article du 3 décembre 2023) avait prévu une rencontre dans son service le lendemain de mon arrivée. 

Outre le dépôt de photos et documents, je voulais comprendre comment les différents camps étaient organisés, les repérer sur des cartes et surtout marcher sur les traces de ma mère, trouver les paysages que les photos dévoilaient, aller à sa rencontre pour essayer de mieux la comprendre, pouvoir croiser nos regards séparés par 70 années, sa jeunesse entrelacée à l'aube de ma vieillesse...

Dans l'attente de mon rendez-vous, je me suis promenée dans cette jolie ville provinciale au passé pesant. Devenue capitale européenne de la culture en 2009, elle fut aussi pour Hitler un rêve de capitale culturelle du Grand Reich, dénommée à partir de 1938 « filleule du Führer ». 

La matinée passée dans le service des archives de la ville fut précieuse et fructueuse : de grandes cartes détaillées des environs datant l'époque de la guerre avaient été préparées à mon attention.


                                                                                                        Dans la salle des archives

Les DP camps se trouvaient dans la zone d'occupation américaine, une zone séparée par le Danube de la zone d'occupation russe située au nord dans district Urfahr, le quartier où se trouvent aujourd'hui les archives de la ville dans le Neue Rathaus.

Nous avons cherché de la documentation sur les différents DP camps : le camp Wegsheid appelé aussi camp 67 ou camp L.Tyler du nom du commandant américain qui l'avait probablement ouvert. Ce camp logeait les réfugiés à leur arrivée dans des baraquements de bois aux conditions sommaires, il n'en reste plus rien aujourd'hui. Le camp Ebelsberg ou David Stern composé de constructions de pierre, fut nettement plus accueillant et structuré, offrant de nombreuses activités pour favoriser la réinsertion. C'est là que ma mère apprit le métier de tricoteuse. Les bâtiments sont maintenant des logements mais que reste-il de leur mémoire ? Le camp Asten que j'ai pu situer sur les cartes mais sur lequel je n'a pas trouvé d'articles précis...

                                                                                                        Ebelsberg

La rencontre avec un associé de Monsieur Mittermyr né dans un camp pour personnes déplacées (Bindermichl) fut un moment fort. Avant de partir, j'ai déposé mes documents et signé un accord sur leur remise, ils serviront pour l'histoire je l'espère.

Me dirigeant du quartier Urfahr vers la Hauptplatz, je me suis arrêtée à mi-chemin du Nibelungenbrücke, un pont qu'Hitler fit construire en 1938. Appuyée sur la rambarde, j'ai longuement regardé le Danube en songeant au bateau sur lequel ma mère en promenade de groupe avait fixé pour le souvenir l'objectif du photographe. J'ai scruté le paysage cherchant au loin la colline où elle s'était amusée dans la forêt en compagnie de ses frères, un endroit qui prenait réalité depuis que mes interlocuteurs l'avait identifié : un quartier de Linz appelé Römerberg près du Freinberg.


                                                                     Ma mère à droite, en arrière plan le Nibelungenbrücke et sur la droite le chateau de Linz                                 

Les jours suivants j'ai visité la ville, étonnée de me trouver l'une des rares touristes françaises. J'ai découvert  des endroits plein de charme et me suis promis d'y revenir un jour.


Mireille Podchlebnik Juin 2023










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