Dans la paix du cimetière : Dora

 



En allant flâner au cimetière du Père Lachaise comme je le fais assez régulièrement ces derniers temps, j'ai fait un dimanche une découverte assez surprenante.

J'aime ce lieu dans lequel reposent en paix inconnus ou célébrités que l'on croise par hasard au détour des chemins. Dans les enchevêtrements de pierres tombales abandonnées qu'une mousse recouvre d'un manteau verdoyant surgit parfois une sépulture récente qui contraste fortement avec les anciennes. Il y a des caveaux parfois mégalomaniaques d'autres bien plus sobres, certains agrémentés de décors plus ou moins kitsch. Cette diversité d'époque et de style apporte un sentiment d'étrangeté bienfaisant et indéfinissable et curieusement donne le goût d'y vivre des expériences insolites.

J'explorais plus attentivement la division 7, celle qui inaugura le carré juif ouvert le 18 février 1810. De 1865 à 1882 il se verra progressivement complété par la division 87. Lors de la disparition des carrés confessionnels en 1881, les murs qui les bordaient furent détruits, les juifs furent enterrés dans la division 96 puis tout le monde fut logé à la même enseigne si je puis dire !

M'attardant dans la division 7 située près de l'entrée de la rue du Repos, mon regard fut soudain arrêté par le nom de Dora Rotstein née Lenga (1908-1982) lu sur une stèle parmi d'autres noms.

Ce nom bien connu est celui de ma grand-tante paternelle qui fut l'épouse du frère de mon grand-père Rafaël, les deux frères morts en déportation.

Dora échappa aux rafles et poursuivit son activité après-guerre après un long et difficile combat administratif pour récupérer ses biens spoliés et aryanisés par le « commissariat général aux questions juives ».

Je me souviens de cette femme replète et avenante qui tenait une petite boutique de mercerie rue de Bagnolet où, enfants nous allions lui rendre visite, ma sœur et moi. Elle nous servait un copieux goûter dans son arrière-boutique encombrée de cartons et de livres et nous repartions avec un livre et un vêtement! Puis, je ne sais pour quelle raison, elle ne donna plus signe de vie à mes parents et disparut brusquement de notre univers familial.

Aussi quelle ne fut pas ma surprise de la trouver enterrée dans ce cimetière et de renouer avec le passé.

Sur la stèle, à chacun des noms est associé un médaillon de porcelaine avec la photo de la personne décédée mais, curieusement la photo de Dora avait disparu.

En cherchant au sol parmi les végétaux, j'ai découvert quelques débris du médaillon la représentant et, en essayant de les rassembler, j'ai constaté qu'il manquait plusieurs fragments pour reconstituer l'ensemble, un bel ovale à bordure dorée et qu'il me faudrait encore au moins une visite pour poursuivre ma tâche : recoller les fragments épars de mon histoire.


 

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Le mariage de mes parents

Linz, un voyage sur les traces de mes parents

Octobre noir