Un évènement, une note de lecture de l'APA


En préparant un texte pour le deuxième forum de la génération Shoah qui se tiendra au mémorial de la Shoah du 2 au 4 juillet 2022 https://www.memorialdelashoah.org/forum-generations-de-la-shoah-2022.html, j'ai retrouvé cette note de lecture établie en 2015 par Isabelle Valeyre, membre de l'APA, suite à l'envoi de mes récits familiaux. 

Je lui en suis reconnaissante et je souris en lisant les dernières lignes "Mireille Podchlebnik met un terme à une recherche menée depuis plus de vingt ans"... car aujourd'hui en 2022, les recherches se poursuivent toujours et je pense que cette quête sera sans fin. 

En effet depuis 2015, j’ai fait d'importantes découvertes sur la destinée de plusieurs membres de ma famille relatées dans d'autres articles de ce blog et les rencontres renouvelées avec des "chercheurs", aussi passionnés que moi, me conduisent sans cesse vers de nouvelles pistes. Les archives nationales et l'OFPRA ont été en particulier sources de précieux et nouveaux éléments ....

Mireille Podchlebnik, Tsourès, 100 p. photos et documents [APA 3007.10]

En 2010, Mireille Podchlebnik a déposé un récit Histoires de famille ou tsourès [APA 3007], depuis elle a poursuivi ses recherches et trouvé d’autres documents d’archives qui l’ont amenée à écrire un second récit intitulé Tsourès signifiant « difficultés » en yiddish. Ses découvertes ne portent pas sur des éléments majeurs concernant les destins tragiques de ses ancêtres dont on peut rappeler brièvement l’histoire racontée dans le précédent récit : du côté paternel, Rafaël, son grand-père, né en Pologne en 1900 est arrivé à Paris dans les années vingt. Ouvrier tailleur, il est naturalisé en 1936 après deux refus, puis dénaturalisé en mars 1941. Arrêté chez lui au petit matin ainsi que son frère, en août 1941, ils sont emmenés à Drancy, y restent près d’un an avant d’être déportés à Auschwitz où ils meurent en 1942. Rafaël laisse une veuve et cinq orphelins. Sa première femme, Maria, dont il est divorcé, est, elle aussi, arrêtée et déportée à Auschwitz en 1942. Les enfants ayant échappé aux rafles, sont cachés par différents réseaux et sauvés. Un de ses fils, le père de Mireille Podchlebnik, né en 1926, caché sous une fausse identité en province ne peut échapper au STO en Autriche où il reste jusqu’au 11 mai 1945. Du côté maternel, l’histoire est différente mais tout aussi tragique, la nombreuse famille, originaire de Galicie, fuit vers l’Est au moment de l’invasion de la Pologne en septembre 1939, d’abord en Ukraine puis jusqu’en Sibérie, près de Tomsk où ils passent deux ans dans un camp pour bûcherons, le père, Samuel, étant menuisier. En 1942, celui-ci meurt d’épuisement avant leur départ forcé pour l’Asie Centrale. Ils mettent deux ans pour rentrer chez eux où ils retrouvent leur maison occupée. D’autres membres de la fratrie déjà mariés, restés en Ukraine avec leurs enfants, ont été assassinés dans les ghettos. L’errance se poursuit jusqu’en Autriche où ils passent trois ans dans des camps pour personnes déplacées en attente d’un pays d’accueil. Sa mère arrive à Paris en 1951.

Cependant si ce nouveau récit sur sa famille juive pendant la deuxième guerre mondiale n’apporte pas de révélations déterminantes, il est important parce qu’il est complété de nouveaux documents procurés à la suite de démarches patientes dans différents bureaux d’archives (entre autres, celles de la Préfecture de police de Paris), sur les sites et auprès de contacts dans divers pays, et riche en portraits souvent émouvants et photocopies de documents. De plus il se présente comme un travail abouti et achevé tant dans sa présentation que dans son contenu. Le récit très structuré suit un plan chronologique pour chaque branche familiale et chaque ancêtre dont les chapitres développent les étapes de l’histoire personnelle dans le contexte politique et historique, écrite avec précision et sensibilité. Elle termine par la vie de ses parents jusqu’à leur disparition. À la fin, plusieurs pages récapitulent les recherches et les documents obtenus, ainsi par exemple, en 2011, lui parviennent d’Allemagne les photocopies des extraits du registre des décès du bureau d État Civil d’Auschwitz relatifs à Raphaël et à son frère ; en 2012, elle reçoit la fiche médicale de son père au retour du STO, documents administratifs porteurs d’une grande émotion. Une bibliographie d’une cinquantaine d’ouvrages (autobiographies et essais sur les camps) et une page finale de remerciements aux historiens, documentalistes, amis et membres de sa famille qui l’ont aidée et encouragée à poursuivre ce récit maintes fois interrompu témoignent de la valeur du travail et de son engagement personnel. Avec ce récit, à la fois œuvre d’histoire et de filiation, Mireille Podchlebnik met un terme à une recherche menée depuis plus de vingt ans et qu’elle conclut par ces mots, Mon travail aura été celui d’une finisseuse comme l’était ma mère cousant avec précision les pièces d’un ouvrage qu’il fallait terminer.

Isabelle Valeyre, octobre 2015

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