Guerre et poésie

 


Jeudi dernier, le 28 avril, était un jour d'hommage, en hébreu Yom HaShoah, célébré en Israël et plus largement dans le monde en mémoire des 6 millions de Juifs morts durant la Seconde Guerre mondiale, victimes des nazis et de leurs collaborateurs.

Ce jour particulier a été aussi marqué par la visite du secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres venu sur les lieux des massacres perpétrés dans les environs de Kiev.

Pendant cette visite, deux frappes aériennes, revendiquées le lendemain par les russes, ont frappé Kiev dans le quartier de Chevtchenko.

Pour échapper à l'horreur de la guerre, je suis partie à la rencontre du poète ukrainien Taras Chevtchenko qui a donné son nom au quartier ciblé par les bombardements et dont j'ai découvert l'existence très récemment en écoutant sur France Culture une émission retraçant son histoire.

Ce peintre, humaniste et ethnographe occupe une place importante dans le pays où il a vu le jour en 1814. Né esclave dans une famille de paysans serfs, il retrouve sa liberté à l'âge de 24 ans sur un territoire déjà annexé par l’Empire russe. Il s'est battu pour l’indépendance de l’Ukraine démocratique en participant à des organisations et des mouvements patriotiques. Il a connu la prison, l’exil, la surveillance policière et l’interdiction d'écrire et de peindre. Il décédera à Saint-Pétersbourg en 1861.

Le poète est glorifié lors de chaque soulèvement populaire et actuellement, les combattants ukrainiens reprennent ses vers, symboles de liberté, pour se donner courage.

Sans le savoir, en me rendant au travail je passais régulièrement devant le square qui porte son nom, situé à l'angle de la rue des Saints-Pères et du boulevard Saint-Germain. Durant mes années d'études, je m'y arrêtais souvent pour lire ou déjeuner d'un sandwich entre deux déplacements. Une sculpture en bronze, œuvre de Lissenko, érigée en son honneur en 1978, fait partie des nombreux monuments qui lui sont dédiés dans le monde et son buste côtoie depuis, celui de Laennec réalisé par René Quillivic en 1942. Le square qui jouxte l'église catholique Ukrainienne Saint-Vladimir-le-Grand, anciennement église Saint-Pierre, se trouve à l'emplacement d'un ancien cimetière. L'actualité a donné à ces lieux qui étaient jusque-là « sans histoire » une résonance toute particulière.

Le premier recueil de Chevtchenko intitulé Kobzar sera en partie censurée lors de sa publication en 1840. Le Kobzar qui est aussi le surnom du poète, représente l'« itinérant souvent aveugle qui parcourait l’Ukraine à pied, d’un village à l’autre, en chantant des épopées populaires au son d’un instrument à cordes, la kobza. »

Lorsque j'ai voulu acheter un recueil du poète à la librairie située à proximité du square, la vendeuse ignorait son nom et le lieu tout proche qui le célébrait. Ma commande a été l'occasion d'un échange convivial qui permettra, je le souhaite, de donner davantage de visibilité à la poésie ukrainienne et plus largement à celle qui émane de tous les horizons.

Le soir

Un jardin de cerisiers entoure la maison ;
Les hannetons bourdonnent au-dessus des arbres ;
Les laboureurs avec leurs charrues,
Les jeunes filles avec leurs chansons, rentrent,
Et les mères les attendent pour le souper.

La famille prend son repas autour de la maison ;
À l’horizon brille l’aurore du soir.
La fille présente les mets du souper ;
Sa mère voudrait lui donner des conseils ;
Mais le rossignol l’en empêche.

La mère, autour de la maison,
A couché les petits enfants ;
Elle-même dort près d’eux.
Tout bruit s’éteint… Seuls, la jeune fille
Et le rossignol veillent encore.

Taras Chevtchenko (Traduction d’Émile Durand-Gréville)

 https://www.franceculture.fr/peinture/taras-chevtchenko-figure-adulee-de-la-nation-ukrainienne



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