Fiches médicales et centres de rapatriement en 1945



Une question portant sur les fiches médicales établies dans les centres de rapatriement a été posée dernièrement par un membre du groupe de recherche sur les « Prisonniers de guerre ».

Cela m'a donné l'occasion de rouvrir le dossier contenant cette « fameuse » fiche médicale établie pour mon père lors de son retour en France après-guerre.

Une pochette rassemble les courriers que j'ai adressés en 2012 aux archives départementales du Vaucluse, de Dijon et au Service Historique de la Défense de Caen.

Caché un temps comme aide-jardinier dans la propriété en Touraine du Pr Debré qui lui avait également fait établir de faux papiers d'identité, mon père avait fui après quelques mois de peur d'être dénoncé par le jardinier en chef, jaloux de celui qu'il considérait comme planqué.

Il avait choisi de se réfugier dans le Sud de la France chez un ami caché à Antibes où tous deux exercèrent  de petits travaux agricoles, puis il était reparti seul à Avignon en recherche de travail. C'est dans cette ville que des miliciens l'avaient arrêté pour l'envoyer au STO. De Dijon, il s'était retrouvé à Ried en Autriche.

Les deux services d'archives départementales contactés n'avaient aucune trace de ces arrestations.

Mais j’eus davantage de chance avec le SHD de Caen qui me transmit sa fiche médicale établie sous le nom  que je leur avais indiqué, Valentin Pouchubrun.

Les bribes d'histoires racontées par mon père et visibles sur ces documents d'archives me permettaient de mieux comprendre son parcours. L'histoire de sa fausse identité qui m'avait longtemps intriguée, prenait toute sa réalité.

Arrêté à Dijon le 25 mars 1944, il logeait alors rue de la Bourse. Il fut envoyé dans une caserne à Dijon et de là partit pour Ried d'où il fut rapatrié le 20 mai 1945 vers le centre numéro 20 de Mézières. https://francearchives.fr/fr/findingaid/4a224e28e51af8e47cc90475b57b34566717f4c0

Je me demande comment ce jeune homme de 18 ans qui venait de vivre l'arrestation de son père, de sa sœur, les lois raciales avec le port de l'étoile jaune et la fuite sous une fausse identité, a pu résister à toutes ces épreuves et surtout comment il n'a pas été découvert comme juif alors qu'il resta plus d'un an prisonnier en Autriche. 

Il racontait avoir déblayé des voies ferrées après les bombardements, ne pas avoir trop souffert de la faim grâce aux paysans qui leur donnaient parfois des pommes de terre. Il se souvenait être passé un jour devant le camp de Mathausen et avoir lu l'indication Arbeit macht frei. Il s'était approché de l'entrée où un des gardes tenant un chien en laisse l'avait menacé de le faire entrer, il était parti en courant, « sans demander son reste » m'avait-il dit. Son instinct de survie l'avait encore sauvé...

Sur la fiche médicale, la date de naissance est bien la sienne 18.2.1926, par contre la ville de naissance inscrite Amiens est fausse. Ce choix avait été bien étudié lors de la réalisation des faux papiers car le centre-ville d'Amiens détruit par les bombardements de mai 1940, ne permettrait aucune vérification de données administratives. 

Il indique le vrai prénom de son père Raphaël et de sa belle-mère Rochme ainsi que leur adresse 43 rue Basfroi. Comme pièce d'identité, il fournit sa carte d'alimentation. Le résultat du bilan relatif à sa santé se révèle « moyen ».

J'apprends aujourd'hui par une des membres du groupe de recherche que deux villes portent le nom de Ried en Autriche ; Ried-im-Traunkreis situé à une cinquantaine de kilomètres de Mathausen et Ried-im-Innkreis à environ 100 km. Mon père situait également Linz comme ville de proximité de son lieu de travail forcé...

Retrouver de quel Ried il s'agit est une autre histoire.




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