Les bulletins de salaires, de paye, de paie...Chapitre 1


"Liquider une carrière"

Plus de 10 ans après la mort de ma mère, mon père nous quitta à son tour à la fin du mois d’août 2005 après une hospitalisation tourmentée.

Il fallut alors vider l'appartement familial pour le mettre en vente et se défaire des meubles et objets que nous ne voulions ou ne pouvions garder. J'emportais chez moi des papiers et documents que j'étais dans un premier temps incapable de trier. Puis, peu à peu, au fil des années je jetais non sans mal et de façon assez aléatoire ceux qui me semblaient inutiles.

Parmi eux, j'ai conservé précieusement les bulletins de salaires de mes parents récupérés dans un meuble de leur cave. Placés dans des enveloppes plus ou moins classées par années, ces vieux papiers que d'autres auraient pu considérer comme sans intérêt, revêtaient à mes yeux une grande importance. Je les avais réunis dans une boite en carton qui changeait de place dans la maison au fil de réaménagements successifs, sans savoir vraiment ce que je pourrais en faire.

 

Puis le moment de « liquider ma carrière », drôle d'expression pour parler d'une fin de vie professionnelle, arrive à grands pas. Et cette période, sur laquelle se greffe celle de la pandémie, s'avère propice aux rangements et me décide à explorer ces « archives professionnelles » avant d'envisager peut être m'en séparer.

Mes parents avaient eu, je m'en souviens, beaucoup de difficultés à rassembler le maximum de documents qui justifiaient de leur travail et faire valoir leurs droits à la retraite.

Sur plusieurs enveloppes la date marquée de mon écriture, me rappelle l'aide que je leur avais apportée dans ce fastidieux recensement car, tout comme moi, mais pour des raisons bien différentes, le nombre de leurs lieux de travail et d'employeurs a été considérable et fluctuant.

 Les emplois de ma mère

Entre 1947 et 1951, ma mère avait appris le métier de tricoteuse en Autriche dans les camps pour personnes déplacées dont l'une des missions était l'aide à la « reconstruction ». En particulier, l'apprentissage d'une profession était proposé à ces survivants de la Shoah pour leur permettre de s'intégrer plus facilement dans leur futur pays d'accueil. 

Mais à son arrivée en France, elle fut employée la plupart du temps comme finisseuse et bien souvent « au noir » dans des ateliers de couture qui « accueillaient » dans l'entraide nombreux réfugiés ayant fui l'Europe de l'Est. Le tricot resta pour elle une activité de loisirs qu'elle mettait à profit pour toute la famille.

Son mariage avec mon père en 1953 lui assura la nationalité française et une plus grande stabilité professionnelle d'autant qu'elle fut embauchée pendant plusieurs années dans l'atelier de sa sœur et de son beau-frère. Mais cette proximité familiale devint à la longue une source de tensions et de conflits et elle dut changer de situation.

Seules 3 enveloppes rassemblent quelques-unes de ses fiches de paie, tandis que d'autres sont posées en vrac dans la boite. Pour la première fois je regarde attentivement leur contenu avant de réaliser que le rangement est très aléatoire :

  • Une première enveloppe, annotée 1953, regroupe 18 fiches datées de 1951 à 1956.

  • Une deuxième enveloppe, annotée 1959, mélange les années 53, 55, 59.

  • La troisième enveloppe, annotée 1963 à 65, contient les fiches établies par son beau-frère Gerstner Créations 54 rue de la verrerie Paris 4ème.


Histoire et fiches de paie

De novembre 1951 à juillet 1953, elle demeure 2 Villa du Parc dans le 19ème. Cette adresse située près des Buttes-Chaumont est bien celle de son arrivée en France. Elle habitera là avec sa mère jusqu'à l'année de son mariage qui sera aussi l'année du décès de ma grand-mère. 

Sa première et unique fiche de paie de l'année 1951, datée du 2 au 30 novembre,  provient d'une entreprise au nom surprenant IKKA et FERRERO Confections 10 passage Beslay Paris 11ème. Elle est finisseuse, vient d'émigrer en France et ne parle pas un mot de français. 

Elle occupe ensuite les emplois de finisseuse et de mécanicienne travaillant successivement pour :

- "Confection Yvette" 20 impasse des couronnes Paris 20ème, 

- "Confection en tous genres M. Berner" 34 rue du Château d'eau Paris 10ème, 

- "EVMAD confection" 144 rue Saint-Maur Paris 11ème. 

Les fiches de paies, établies pour des durées de quelques jours seulement, sont en nombre important. Elles ne recouvrent pas les années complètes car il fallait compter avec les "mortes saisons" qui n'embauchaient pas.

Entre 1954 à 1956, période marquée par ses deux maternités, elle n'aura que 8 fiches de salaires. Son adresse est désormais celle de mon père au 70 rue Saint Honoré Paris 1er dans le quartier des Halles. Elle travaille comme finisseuse chez J.Ciolek 50 boulevard de Strasbourg Paris 10ème et Maison Goldszmid Confections 34 rue du Château d'eau Paris 10ème. En 1956, 5 fiches sont établies entre le 19 mars au 31 mai, juste peu de temps avant ma naissance.

En 1959,  deux fiches de paie provenant de M.Zalcberg Paris12ème couvrent la période du 17 octobre au 13 novembre .

Entre le 1er novembre 1963 et le 31 mars 1965 elle est tableuse chez sa sœur avec des fiches pour des périodes plus raisonnables de 1 mois.

Dans le paquet de fiches de paie en vrac, 19 concernent l'année 1962 avec paiements à la pièce pour un travail recensé colleuse et cols, épaulettes chez Ets. Boret 128 rue de Turenne Paris, les fiches sont d'un format très étroit et tout en longueur. 

C'est aussi la curiosité qui m'a menée dans ce travail de tri et de recensement parfois fastidieux. Un ami m'ayant récemment conseillé la lecture du dernier très beau livre de Robert Bober "Par instants, la vie n'est pas sûre", je me suis souvenue que mon père parmi ses différentes employeurs avait eu un certain Charles Bober et j'ai voulu en retrouver la trace. Mais cela est encore une autre histoire....



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