Le début et le long chemin des recherches

Le début et le long chemin des recherches

Les interrogations sur l'histoire de mes parents ont marqué mon enfance et mon adolescence ainsi qu’une grande partie de ma vie d’adulte.

Mes recherches, entreprises dans les années 1989, s’étendent sur plus de 20 ans. Elles furent ponctuées de longues périodes d'interruption avec alternance d'écriture poétique, de silences, de questions posées par courriers à diverses institutions françaises et étrangères. Fin 2010, je repris plus intensivement mes démarches avec le projet de concrétiser l’écriture de cette histoire.

Comme des bouteilles jetées à la mer, je cherchais sans savoir ce que je cherchais vraiment ; il y avait des listes de noms qui ne correspondaient qu’à des listes de morts dont je ne pouvais m’approprier une quelconque histoire, comme une masse informe sans distinction. Ces listes de morts allaient devenir aussi des listes de vies.

Petit à petit les noms retrouvés se sont inscrits dans une histoire comme les maillons d'une chaîne qui se construit progressivement.

Dans un premier temps, il y a eu les demandes d’autorisation auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris pour consulter les registres d’état civil de moins de cent ans dans les vingt mairies d’arrondissement.

Ces autorisations, obtenues sans difficultés, constituaient à chacune de mes visites un passeport d’entrée. A leur présentation, les fonctionnaires de mairie me montraient avec plus ou moins bonne grâce, les étagères sur lesquelles les livres volumineux, de couverture cartonnée noire et souvent écornée, étaient classés par années, la place de la photocopieuse et me laissaient ensuite travailler tranquillement dans un espace souvent exigu où je pouvais les compulser un à un.

Je passais ainsi de longues heures dans les services des mairies, décryptant page à page des écritures encore souvent manuscrites, parfois difficilement lisibles, en quête d’un passé qui me faisait cruellement défaut.

C’est ainsi que je retrouvais les extraits de naissance, mariage, décès de plusieurs membres de ma famille.

Je me rendis pour la première fois en septembre 1989 au centre de documentation juive contemporaine (CDJC), devenu Mémorial de la Shoah, où je découvris, sur les listes des convois établis par Serge Klarsfeld, les noms de mes proches.

Je me revois lisant les noms de mes grands-parents et de mon grand-oncle sur les listes classées par date de départ des convois vers Auschwitz et le choc douloureux qui m’avait littéralement tétanisé devant cette réalité qui jusque là ne représentait qu’une histoire un peu abstraite bien que toujours insidieusement présente.

La bibliothécaire, une femme assez âgée, au fort accent yiddish, qui avait cherché les documents, m’avait alors consolé et j’étais rentrée chez moi avec ces noms gravés dans ma mémoire et un sentiment mêlé de désespoir, de rage et d’impuissance.

Par la suite, revenant à plusieurs reprises au Mémorial, j'ai pu discuter avec des chercheurs en histoire venus de tous horizons et ces échanges finirent par donner une intensité un peu moins dramatique à cet événement familial intolérable en le replaçant dans le contexte plus général de la « grande histoire ».








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