Les méandres de l'administration

 Il y a plus d'un, je réalisais que l'acte de naissance de ma grand-mère Maria Silberstein, née le 27 janvier 1906 à Paris, comportait des indications erronnées. Une des erreurs, historiquement fausse et à mon sens inacceptable, note en marge de l'acte, désormais conservé aux archives de Paris, son décès à Drancy le 29 juillet 1942. L'autre mention relative à son mariage est incomplète puisque la date de son divorce n'apparaît pas.

Si son acte de décès avait bien été rectifié par l'arrêté du 6 février 1992 portant apposition de la mention "Mort en déportation",  cette correction n'avait pas été appliquée aux actes de naissance et je me demande pourquoi....

Je n'avais pas prêté jusque-là attention à ce "détail de l'histoire" mais compte-tenu du contexte de négationisme et de fort antisémitisme actuel, j'ai voulu que l'acte soit modifié, j'ai pensé aux généalogistes et aux historiens qui utilisaient des documents d'archives pour leurs études et que mourir tranquillement dans son lit dans la jolie petite ville de Drancy n'avait pas la même tonalité qu'être exterminée à Auschwitz après avoir été raflée au Vel d'Hiv.

J'ai regardé les textes pour faire modifier l'acte et là, je suis entrée encore une fois dans les méandres kafkaïens de l'administration française. Mon premier courrier recommandé au service état civil du Tribunal Judiciaire de Paris adressé au procureur de la République, date de mai 2024. J'explique ma demande et ajoute les documents justificatifs nécessaires :

- Acte de naissance de Maria Silberstein certifié conforme par les archives de Paris

- Arrêté du 6 février 1992 avec la mention de son décès à Auschwitz

- Courrier de l'International Tracing Service avec mention de son incarcération à Auschwitz

- Acte de mariage avec Rafaël Podchlebnik qui mentionne la date du divorce et bien sûr ma pièce d'identité ...

Le temps passe et en novembre 2024 je reçois une réponse qui m'intrigue : la modification de l'acte de naissance exige en préalable l'annulation de l'acte de décès et je suis priée de m'adresser au procureur de la République de Bobigny. Quand à l'ajout d'une mention divorce, la copie intégral du jugement avec mention de son caractère définitif est indispensable.

En ouvrant l'enveloppe avec le courrier et l'ensemble de mes pièces justificatives, je me suis dit que c'était une façon "élégante" de se débarrasser du dossier!

J'appelle toutefois Bobigny mais réalise que cette demande est absurde puisque l'acte de décès a été modifié et qu'il est donc correct. Quand à la mention du divorce je décide de lâcher l'affaire devant autant de complexités!

J'adresse donc un autre courrier recommandé le 18 février 2025 au Tribunal de Paris en expliquant cela, le choix de la date du 18 février n'est pas anodin car il correspond au jour de naissance de mon père qui n'aurait pas aimé, j'imagine, qu'on raconte n'importe quoi sur la mort de sa mère, quelles qu'aient pu être la difficulté de ses relations avec elle.

Je ne m'éterniserai pas sur les appels répétés au service état civil du Tribunal, sur les attentes interminables, les absences d'interlocuteurs etc...

Mais j'insiste pour avoir une réponse et apprends par téléphone puis par courrier que, finalement le Procureur de la République n'est pas compétent en la matière car l'acte de naissance daté de 1906 appartient désormais aux archives nationales (ça je le savais déjà!) et qu'il n'est plus possible de le modifier car les registres d'état civil de plus de cent ans ne sont plus conservés par les mairies..Je note au passage que le courrier (à l'orthographe déplorable), daté du 16 mai a mis un mois pour sortir du bureau du Procureur avec un tampon de la poste du 12 juin 2025!

Il aura donc fallu plus d'un an depuis ma demande initiale pour revenir à la case départ, un vrai gâchis de temps et d'énergie doublé d'un certain nombre d'incompétences...

Mais je ne perds pas espoir car après avoir écrit aux archives nationales j'ai reçu cette réponse le 19 mai :

"Votre demande a été transférée au bureau des affaires juridiques de la Direction de la Démocratie, des Citoyen.ne.s et des Territoires (DDCT) qui vous répondra."

https://fr.wikipedia.org/wiki/Direction_de_la_Démocratie,_des_Citoyen.ne.s_et_des_Territoires

Ce service appartenant à la mairie de Paris, mon optimisme naturel me dit qu'il faudra probablement beaucoup de temps pour que les choses bougent!



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Un poème pour ma mère Rywa

Moi, détective sur les traces de mon histoire familiale /Présentation pour le Mémorial de la Shoah

Forêt en exil